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Marcher naturellement avec un pied artificiel

Marcher naturellement avec un pied artificiel

Technologies |
Par NicolasFeste



Au lieu d’utiliser une suspension passive couramment présente dans les composants du pied, cette prothèse assiste l’utilisateur grâce à une force motrice. Simulant une démarche naturelle, elle plie activement le pied artificiel vers le haut et vers le bas à chaque pas. Cela rend la démarche plus harmonieuse, stable et moins fatigante. Un contrôleur intelligent ajuste le rythme de la marche, tandis qu’un moteur sans balais de FAULHABER fournit la propulsion nécessaire.

La perte d’une jambe ou d’une partie d’un membre inférieur peut avoir de nombreuses causes. Chez les jeunes, c’est généralement une malformation congénitale ou un accident. Chez les plus âgés, ce sont plutôt des cancers, des infections ou des maladies circulatoires chroniques, ces dernières souvent causées par un diabète. Des millions de personnes sont concernées à travers le monde, la plupart d’entre elles ont perdu la partie inférieure de la jambe. Des découvertes archéologiques en Égypte et en Chine nous ont appris que cela fait au moins 3000 ans que l’on tente de remplacer des parties manquantes du corps par des prothèses. La jambe de bois du pirate dans les films donne une idée assez réaliste de ce à quoi ressemblait une prothèse de jambe par le passé. Elle était en bois et cuir et donc foncièrement rigide, et donnait à son porteur une démarche boitillante.

De la jambe de bois du pirate à l’appareil orthopédique de haute technologie

On ne peut pas vraiment comparer les anciennes prothèses aux prothèses modernes qui disposent d’articulations, d’algorithmes de commande et d’éléments à ressorts en matériaux de haute technologie. Elles aident à rendre la démarche bien plus naturelle. Certains modèles sont même conçus pour une performance maximale : les athlètes amputés des membres inférieurs et porteurs de prothèses en carbone atteignent des temps record en course à pied sur de courtes distances. Cela a même provoqué des débats animés sur la question de savoir si l’énorme force élastique de ces constructions en fibre de carbone donne aux athlètes amputés un avantage sur les coureurs « normaux ».

Les prothèses sportives sont conçues pour une course rapide, mais l’arrêt et des activités normales avec sont difficiles, voire impossibles. Les prothèses de cheville destinées à l’utilisation au quotidien sont complètement différentes des « skids » arqués des sports de compétition. Généralement proches de l’anatomie naturelle, elles consistent en une composante de jambe inférieure et une composante de pied, reliées entre elles par une articulation. L’articulation de cheville artificielle passive garantit que la prothèse reste toujours dans une position prévisible, mais elle ne laisse aussi qu’une liberté de mouvement réduite pendant la marche.

Lors du déroulement du pied, c’est-à-dire pendant le mouvement vers l’avant, le pied est pressé contre le bas de la jambe. Lorsqu’il est repoussé, la force élastique remet le pied dans la position de départ fixe quasiment perpendiculaire. « Mais cette position fixe ne correspond pas à la position naturelle du pied pendant la phase de transfert. La pointe du pied prothétique risque de toucher le sol ou de trébucher sur de petits obstacles », explique Marcin Dziemianowicz. L’ingénieur spécialisé en biomécanique a fondé Design Pro Technology à Białystok (Pologne) en 2016 avec objectif de trouver des solutions innovantes à ces problèmes. L’équipe interdisciplinaire composée d’ingénieurs, de techniciens orthopédistes, de médecins et de designers de l’entreprise de technologies médicales développe et fabrique des aides orthopédiques individuelles à la pointe de la technologie.

Flexion dorsale active pour minimiser les risques de trébuchement

Avec son nouveau produit D-Ankle, Design Pro Technology a conçu la première prothèse de cheville qui, au moyen d’un moteur, fait activement bouger le pied pendant la marche et le maintient dans une position anatomiquement naturelle à chaque pas. Décisive ici : ce que l’on appelle la flexion dorsale, c’est-à-dire la flexion du pied vers le tibia, pendant la phase d’élan. « Augmenter la distance entre la pointe du pied et le sol réduit le risque de trébuchement, ajoute Marcin Dziemianowicz. Avec une prothèse passive, le porteur y arrive en faisant un mouvement circulaire depuis la hanche ou en levant la jambe plus haut. Ces mouvements de compensation ne sont pas nécessaires avec D-Ankle, la marche devient plus naturelle et moins fatigante. »

Lorsque le pied prothétique se pose au sol, sa mécanique effectue le changement d’angle naturel pendant la phase d’appui. D-Ankle est la seule prothèse disposant d’une fonctionnalité de retour active, du talon aux orteils, y compris la poussée du sol pour le pas suivant. La flexion plantaire motorisée, autrement dit l’extension dans l’articulation, est alors activée. Cela contribue également à une démarche harmonieuse et économise des forces. L’articulation artificielle à charnière n’est certes pas capable de réaliser des mouvements latéraux comme le fait une cheville naturelle. Une déformation passive du matériau élastique du pied prothétique, la fibre de carbone, le permet quand-même. Ainsi, la semelle du pied est parfaitement en contact avec le sol, même sur des surfaces irrégulières.

Le contrôleur détecte le rythme de la marche

Le contrôleur intégré de la prothèse reçoit des signaux de plusieurs capteurs afin de différencier les phases d’un cycle de marche. Un potentiomètre mesure l’angle entre le pied et la jambe inférieure, un capteur de pression bilatéral mesure la charge au contact initial du pied et la décharge pendant la phase de transfert. Un accéléromètre détecte l’ensemble du mouvement, y compris la vitesse, l’inclinaison du pied et la pente du chemin.

« L’algorithme collecte les signaux des derniers pas et les analyse, raconte Marcin Dziemianowicz pour expliquer le principe. De ces données, il déduit le rythme de la marche et en dérive la position optimale du pied pour chaque phase du pas. Par exemple, l’articulation de la cheville est plus pliée lors d’une marche en montée qu’à plat et la force de poussée est également augmentée pour faciliter la montée. En descente, pour maintenir le meilleur contact possible entre la semelle et le sol, c’est l’inverse. Par ailleurs, une application pour smartphone est disponible pour ajuster des paramètres tels que la force de poussée, la sensibilité du capteur de pression ou la durée d’une phase du cycle de marche. »

Entraînement sportif de grande endurance

L’entraînement intégré veille à ce que les signaux de commande soient convertis en mouvements adaptés. Son coeur est composé d’un moteur sans balais de la série BP4 de FAULHABER dont la puissance est transférée via une vis-mère. Le moteur et la vis-mère tournent dans les deux sens et peuvent donc fournir la flexion dorsale comme plantaire du pied. Le grand rendement énergétique de l’entraînement permet d’atteindre jusqu’à 12 heures d’autonomie avec une seule charge de batterie. Le moteur tolère en outre les importantes émissions thermiques qui peuvent survenir au quotidien.

« Nos objectifs étaient en somme assez ambitieux, se rappelle Marcin Dziemianowicz. Le moteur devait être apte à reproduire un mouvement de footing, avec trois pas par seconde ou trois cycles complets de flexion dorsale et plantaire. Par ailleurs, il devait pouvoir supporter des changements rapides de vitesse et de direction. Pour ce type d’application, vous avez besoin d’une très grande vitesse et d’un couple élevé, pour un volume et un poids aussi faibles que possible. Nous avons essayé différentes solutions d’entraînement des principaux fabricants de moteurs. Chez FAULHABER, nous avons non seulement trouvé le produit le plus adapté, mais nous bénéficions aussi d’un support technique exceptionnel. »

Après des essais approfondis et concluants sur des amputés qui se sont prêtés à ces tests, la prothèse de pied va être mise sur le marché fin 2023. Grâce à son adaptateur modulaire, elle peut être attachée à n’importe quelle tige de prothèse modulaire. L’ajustement individuel de la prothèse est effectué par un technicien orthopédiste. La hauteur du talon peut être réglée, de sorte que D-Ankle peut même être porté avec des chaussures à talon. Si la batterie venait à manquer après une très longue journée, le porteur peut continuer à marcher comme avec une prothèse passive.

« En rendant le pied actif, nous faisons un grand pas à la fois vers un mouvement anatomiquement naturel et vers un meilleur soutien des amputés, se réjouit Marcin Dziemianowicz. Les expériences faites avec ce produit et la bonne collaboration avec FAULHABER nous ont donné quelques idées pour utiliser la puissance compacte du moteur pour d’autres prothèses. »

FAULHABER

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