
Des scientifiques de l’EPFL ont conçu un système acoustique pour dépasser les contraintes de la physique quantique et étudier comment les atomes communiquent dans la matière condensée. Ils espèrent construire la version acoustique d’un ordinateur quantique.
Qu’arrive-t-il quand un physicien se sent frustré par les limitations de la mécanique quantique, par exemple s’il s’agit d’étudier des paquets d’atomes de haute densité ? A l’EPFL, cela aboutit à la réalisation d’un métamatériau — un matériau artificiel qui présente des propriétés inédites.
Ce physicien frustré est le doctorant Mathieu Padlewski. En collaboration avec Hervé Lissek et Romain Fleury du Laboratoire d’ingénierie des ondes de l’EPFL, Padlewski a construit un nouveau système acoustique pour explorer la matière condensée et ses propriétés macroscopiques, tout en contournant la nature extrêmement sensible inhérente aux phénomènes quantiques. En outre, le système acoustique peut être modifié pour étudier des propriétés qui vont au-delà de la physique de l’état solide. Les résultats sont publiés dans Physical Review B.
«Schématiquement, nous avons conçu une plateforme expérimentale inspirée de la mécanique quantique, que l’on peut ajuster à l’étude de systèmes variés. Notre métamatériau consiste en des éléments actifs extrêmement modulaires. Ils permettent de synthétiser des phénomènes qui dépassent ce que l’on peut observer dans la nature. Les applications potentielles vont de la manipulation des ondes au guidage de l’énergie en télécommunications. À terme, ce système pourrait être utilisé pour produire de l’énergie à partir d’ondes acoustiques, par exemple », explique Mathieu Padlewski.
Modéliser les phénomènes quantiques avec des ondes sonores
Dans le monde macroscopique, il existe un autre phénomène à propos duquel le chat de Schrödinger fait parfaitement sens. Un phénomène avec lequel on peut interagir : le son. Prenons une voix en particulier. Nous savons qu’elle nous apparait dans son unicité et sa richesse parce que nous entendons un spectre complet de fréquences. Le spectre est particulier à une voix donnée, mais il explique aussi le timbre unique d’un piano en particulier, ou pourquoi une trompette ne sonne pas comme un trombone. En principe, nous pouvons entendre en même temps la fréquence fondamentale — c’est-à-dire l’état fondamental — en même temps que les fréquences plus élevées, les harmoniques. Pour emprunter le langage de la physique quantique, nous entendons simultanément une superposition d’états. Revenant au chat de Schrödinger, ce dernier est à la fois mort et vivant, et nous pouvons l’entendre !
Concevoir un métamatériau acoustique
Le métamatériau acoustique construit à l’EPFL consiste en une ligne d' »atomes acoustiques », essentiellement 16 petits cubes reliés les uns aux autres par des ouvertures permettant de placer plusieurs haut-parleurs ou microphones. Les haut-parleurs génèrent des ondes sonores qui doivent se propager à travers la ligne d’atomes acoustiques de manière contrôlée, tandis que les microphones mesurent les ondes sonores pour le contrôle de la rétroaction. Les cubes peuvent être considérés comme des éléments de construction de systèmes plus complexes qui vont au-delà d’une simple ligne.
« Lorsque vous observez la cochlée, l’organe de l’oreille responsable de l’audition, elle ressemble à notre métamatériau acoustique actif par sa structure et sa fonctionnalité », explique M. Lissek. « La cochlée est constituée d’une ligne parfaite de cellules qui amplifient différentes fréquences. Notre métamatériau pourrait potentiellement être réglé pour fonctionner de la même manière et permettre d’étudier des problèmes d’audition tels que les acouphènes. »
Texte intégral sur le site de l’EPFL
