Des sondes portables pour traquer les tumeurs au bloc opératoire
En collaboration avec la société Forimtech et le CHU Vaudois, l’EPFL a co-développé deux sondes compactes, légères et sans fil, chargées de répondre à ces questions. La première est une version améliorée des sondes utilisées en chirurgie radioguidée (sonde Gamma). L’autre est d’un genre totalement nouveau (sonde Beta) : elle sert à détecter des parties infimes de tissu cancéreux. D’une taille de 20 centimètres et pesant 100 grammes à peine, ces sondes peuvent être aisément manipulées et insérées dans l’incision lors de l’intervention.
A l’image d’un compteur Geiger, le système émet des signaux sonores qui guident les gestes du chirurgien. De quoi traquer avec précision des cibles souvent invisibles à l’œil nu. La sonde dite «Beta» introduit un concept innovant, basé sur la détection de particules. Elle peut signaler la présence d’infimes quantités de cellules cancéreuses de la tumeur principale. Après une ablation, le chirurgien utilise le dispositif pour traquer les derniers résidus de cancer. La sonde cherche en particulier des positons, des particules qui émanent de la substance traçante administrée préalablement au patient, et qui s’est accrochée aux cellules cancéreuses. Les positons ne peuvent traverser qu’1 millimètre de tissus. Leur présence indique dès lors que des cellules cancéreuses se trouvent dans l’environnement immédiat.
Avec la sonde Beta, les risques de complications et de dissémination de la maladie sont réduits. L’appareil autorise par ailleurs plus de précision pour les gestes chirurgicaux, préservant une grande partie des tissus sains.
Pour l’instant, le dispositif est encore en phase de tests cliniques. Une étude d’une durée de trois ans et portant sur 60 cas est en cours au CHUV, pour mesurer l’efficacité de cette technologie.
A la recherche des ganglions sentinelles et des métastases
Quant à la seconde sonde, elle ne détecte pas directement les cellules cancéreuses, mais sert à localiser le ganglion dit «sentinelle», situé près de la tumeur principale. Ce ganglion sert de relai aux cellules cancéreuses qui pourraient voyager dans le corps. Il doit donc être retiré et analysé par les médecins, afin de connaître le stade de la maladie et d’offrir le traitement le mieux adapté au patient. «Nous pouvons retirer uniquement le ganglion sentinelle. Si les analyses démontrent qu’il est sain, cela signifie que la tumeur ne s’est pas propagée», explique Maurice Matter, chirurgien au CHUV. Plus précise, légère et maniable que ses concurrentes actuelles, la sonde Gamma permet de repérer le ganglion sentinelle avec une plus grande rapidité.
La miniaturisation de l’électronique aux mains de l’EPFL
Dans le cas des deux sondes, les chercheurs de l’EPFL se sont chargés du design du dispositif, ainsi que de la miniaturisation de l’électronique. «Il fallait que le système soit assez robuste pour survivre aux méthodes de stérilisation», explique Edoardo Charbon, directeur du Laboratoire d’architecture quantique (AQUA). «La sonde est dotée d’une petite fenêtre à son extrémité, qui détecte les rayons gamma ou les positons émis par la substance injectée au patient. Un scintillateur convertit l’énergie des rayons en photons, qui sont à leur tour détectés par un capteur ultra-sensible».
Bénéficiant depuis mars 2015 de la marque CE, les sondes ont déjà été utilisées lors d’une trentaine d’opérations au CHUV. Dès cette année, elles seront également testées dans des hôpitaux de toute l’Europe.
Le projet s’inscrit dans le cadre d’un projet de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI). Il réunit l’expertise en détection de particules de Forimtech, dont les fondateurs sont issus du CERN, l’expertise clinique des spécialistes du CHUV, et les compétences en micro-électronique et en design de puce VLSI des chercheurs de l’EPFL.