
Selon Keysight Technologies, la nouvelle filière spatiale connaît une véritable « ruée vers l’or »
Greg Patschke, directeur général de Keysight pour l’aérospatiale, la défense et les solutions gouvernementales, revient sur les résultats d’une enquête de Coleman Parkes Research
Nous assistons à une nouvelle course à l’espace. Les entreprises privées et les gouvernements se sont fixé des objectifs audacieux : retour sur la lune, tourisme spatial, colonisation de Mars et exploration au-delà de notre système solaire. Les technologies émergentes incitent les acteurs historiques et les jeunes pousses à chambouler le secteur grâce à des cycles de conception de plus en plus rapides pour les produits spatiaux tels que les satellites, les charges utiles les plus sophistiquées et les systèmes de communication évolutifs.
Compte tenu du rythme accéléré de l’innovation, l’industrie spatiale se tourne vers les outils d’automatisation et d’émulation basés sur des logiciels pour garantir la réussite des missions. Selon une récente enquête de Coleman Parkes Research commandée par Keysight Technologies, 76 % des professionnels de de l’industrie spatiale considèrent l’automatisation des tests logiciels comme l’un des principaux défis du secteur. Greg Patschke, directeur général de Keysight pour l’aérospatiale, la défense et les solutions gouvernementales, revient sur les résultats de l’enquête, les défis auxquels sont confrontés les ingénieurs et les perspectives d’avenir de l’industrie.
Pourquoi Keysight a-t-il commandé l’enquête “Defying Gravity” ?
Greg Patschke : Nous voulions connaître l’opinion des dirigeants sur les aspects de la conception, du test et de la mesure des systèmes électroniques qui pourraient apporter une valeur ajoutée à l’industrie des satellites et de l’espace, sur la base de la dynamique actuelle du marché. Nous avons constaté une progression constante de l’innovation et des investissements commerciaux privés et non gouvernementaux dans l’industrie des satellites au cours des cinq dernières années et nous voulions confirmer la transition de l’industrie des grands satellites en orbite terrestre géosynchrone (GEO) vers des satellites plus petits en orbite terrestre basse (LEO), rendue possible par la réduction drastique des coûts de lancement.
L’automatisation des tests de logiciels a été identifiée comme étant le plus grand défi technique. Qu’est-ce qui rend ce problème si complexe ?
Greg Patschke : La complexité d’un satellite, ainsi que sa nature de « système de systèmes » faisant partie d’un système plus vaste, font des tests et de l’évaluation un aspect essentiel pour garantir le succès de la mission. Même les satellites les moins coûteux doivent faire l’objet d’une validation approfondie au sol avant leur lancement, depuis la conception jusqu’à la fabrication et l’exploitation. De plus, avec l’augmentation du nombre de satellites construits, nous passons d’un modèle de production de satellites uniques à un modèle de production en volume où les usines de satellites produisent un ou plusieurs satellites par jour. Cela signifie qu’il est peu pratique, voire impossible, de produire un satellite et de vérifier son fonctionnement manuellement. Compte tenu des risques d’erreur humaine et de la nécessité d’assurer la cohérence au cours de plusieurs séries de tests de systèmes satellitaires, il est essentiel d’automatiser fortement les processus afin d’éliminer les défauts éventuels.
Comment l’automatisation peut-elle être mise en œuvre dans le cycle de vie du produit ?
Greg Patschke : Il y a deux grands volets. Le premier concerne le cycle de vie des tests de la conception à la fabrication, comme nous l’avons vu, où la fabrication en grande série nécessite un grand nombre de tests. Ce problème peut être résolu par l’automatisation à l’aide de plateformes logicielles modernes, évolutives et ouvertes qui exécutent à la fois des auto-tests intégrés et des équipements de test externes avec des services logiciels basés sur le cloud pour gérer l’atelier de fabrication. Le deuxième volet concerne l’utilisation d’une plateforme logicielle pour automatiser les tests de fonctionnement d’un véhicule spatial et du logiciel de son système de contrôle. Les conditions réelles peuvent être émulées pour tester le logiciel de vol du satellite, le logiciel qui permet l’interface homme-machine avec le satellite, ou les systèmes de contrôle des opérations du véhicule spatial.
Quels sont les autres défis techniques auxquels les ingénieurs sont confrontés ?
Greg Patschke : Comme vous pouvez l’imaginer, rien n’est facile dans l’espace, et lorsqu’il s’agit de véhicules spatiaux capables d’accueillir des êtres humains, l’échec n’est pas envisageable. Concevoir des produits très fiables, tout en optimisant l’efficacité énergétique et en prolongeant la durée de vie au-delà de cinq ans, est extrêmement difficile et doit faire l’objet de tests approfondis avant une mission. En outre, l’utilisation du spectre des radiofréquences (RF) dans les satellites de communication constitue un autre défi, car il faut garantir une puissance et une largeur de bande RF suffisantes et diriger les signaux RF vers l’endroit précis où ils sont nécessaires. Les antennes réseau à commande de phase peu coûteuses permettent des améliorations dans ce domaine, tout comme les développements en matière de transmission optique en espace libre, qui permettent aux satellites de se connecter les uns aux autres via des liaisons laser à haute capacité et d’acheminer les données en fonction de la meilleure connectivité avec une station terrestre au sol.
Qu’est-ce qui pousse l’industrie à se concentrer sur la réduction des cycles de développement ?
Greg Patschke : La nouvelle filière spatiale est marquée par une véritable « ruée vers l’or » dans des domaines tels que les SATCOM, l’imagerie et la détection terrestres. Des centaines de nouvelles entreprises se lancent à la poursuite de nouveaux modèles commerciaux et sont soumises à d’énormes pressions en termes de délais de mise sur le marché pour remporter des contrats. En outre, le gouvernement américain et d’autres pays cherchent à tirer parti de l’innovation commerciale en simplifiant leurs règles d’acquisition afin de permettre aux petites entreprises privées de se lancer plus facilement dans la compétition pour l’obtention de contrats.
Quelles autres tendances observez-vous ?
Greg Patschke : Outre l’accélération des cycles de développement, nous constatons une utilisation accrue de la modélisation et d’autres outils de type « jumeau numérique » pour prédire les performances, en mettant l’accent sur les défaillances rapides et précoces (idéalement dans le cadre de la simulation). L’industrie a également recours à des produits électroniques moins coûteux, souvent de qualité automobile, et certainement soumis à des tests moins rigoureux. Nous commençons également à voir des partenariats et des collaborations intéressants annoncés entre des fournisseurs de communications par satellite LEO en début de commercialisation et des opérateurs de réseaux sans fil terrestres (comme SpaceX avec T-Mobile et Amazon Kuiper avec Verizon), afin de fournir une couverture mobile élargie. Il est également intéressant de noter que le gouvernement américain cherche à se procurer davantage de services SATCOM auprès du secteur privé afin de renforcer ses capacités militaires en matière de communications par satellite à un coût nettement inférieur.
Quelles sont les principales opportunités qui s’offrent aux entreprises spatiales au cours des cinq prochaines années ?
Greg Patschke : Nous constatons déjà que l’imagerie satellitaire à haute résolution est commercialement viable (plus souvent dans le domaine public que dans celui des équipements du gouvernement américain) pour des applications telles que la capture et le signalement des catastrophes naturelles et la collecte de renseignements dans les zones de guerre. Les communications mondiales par satellite pour les applications à large bande et à bande étroite semblent arriver très rapidement. Bien que certains modèles commerciaux n’aient pas encore fait leurs preuves, des entreprises comme OneWeb et SpaceX Starlink ouvrent la voie à une connectivité mondiale permettant de se connecter à peu près n’importe où sur la planète.
Dans le domaine non satellitaire, SpaceX a déjà fait ses preuves en matière de lancement commercial et les programmes d’équipages commerciaux tels que Dragon et Boeing Starliner laissent présager un développement et un déploiement accrus des équipements spatiaux à des fins commerciales. De nombreuses entreprises travaillent actuellement à la création d’une station spatiale privée, qui devrait voir le jour dans les années 2030, et peut-être même à un projet financé par des fonds privés sur la lune ou vers des astéroïdes. C’est une période extrêmement prometteuse pour l’industrie spatiale !
Comment Keysight contribue-t-il à relever ces défis ?
Greg Patschke : L’objectif de Keysight est de faciliter la réussite de ses clients tout au long du cycle de vie de leurs projets et programmes (des premiers stades de la conception et du développement à la validation de la conception, en passant par le prototypage, la fabrication et les opérations) ; nous voulons être un partenaire indispensable de la mission. Nos outils de simulation de réseaux et de conception de systèmes électroniques, tels que EXata scalable network technologies et PathWave Design, peuvent interagir avec le logiciel Systems Toolkit d’Ansys Government Initiatives (AGI), leader du marché, ce qui permet aux ingénieurs système de développer des jumeaux numériques haute fidélité dès le début de la phase de développement du concept d’opérations (CONOPS). À partir de là, les ingénieurs peuvent mener leurs projets jusqu’au cycle de vie des opérations grâce à des connexions avec notre équipement de test et d’émulation RF et réseau, afin d’imiter les conditions réelles en laboratoire. Grâce à l’acquisition récente d’Eggplant, Keysight peut également tester les logiciels de contrôle des systèmes opérationnels à l’aide de processus automatisés. Nos outils de surveillance des fréquences et des signaux, ainsi que nos principaux partenaires de solutions, dont Kratos, Integrasys et Calian, peuvent fournir un support au sol et un équipement de surveillance pour les phases de mise en service et d’exploitation du cycle de vie des satellites et des véhicules spatiaux.
